Etrange
rencontre
Il m’a
semblé que j’échappais à la bataille
Par
quelque tunnel profond et sombre, creusé depuis longtemps
Dans des
granits qu’avaient voûtés des guerres titanesques.
Mais là
aussi, couchés en tas, des dormeurs grognaient
Trop
enfoncés dans leurs pensées ou leur mort pour s’émouvoir.
Alors,
tandis que je tâtonnais, l’un d’eux bondit et me lança
Un
regard fixe où se lisaient reconnaissance et pitié
Et dans
ses mains, levées comme pour bénir, la détresse.
A son
sourire, je reconnus ce lugubre séjour -
A son
sourire mort, je sus qu’ici était l’Enfer.
Mille
souffrances dardaient la face de cette apparition,
Mais
aucune goutte de sang ne coulait plus ici,
Aucun
canon ne cognait, ni ne faisait gémir aucun conduit.
"Etrange
ami, dis-je, pour quelle raison te lamentes-tu ?
-
Aucune, dit l’autre, sauf les années perdues,
Le
désespoir. Quelle que puisse être ton espérance,
Ma vie
en était faite aussi. Je chassais gaiement
La plus
sauvage beauté du monde
Loin des
yeux calmes et des cheveux tressés,
Celle
qui méprise le cours régulier des heures
Et quand
elle pleure, c’est avec plus de faste qu’ici...