samedi 16 novembre 2013

WILDRED OWEN 1


Etrange rencontre

Il m’a semblé que j’échappais à la bataille
Par quelque tunnel profond et sombre, creusé depuis longtemps
Dans des granits qu’avaient voûtés des guerres titanesques.
Mais là aussi, couchés en tas, des dormeurs grognaient
Trop enfoncés dans leurs pensées ou leur mort pour s’émouvoir.
Alors, tandis que je tâtonnais, l’un d’eux bondit et me lança
Un regard fixe où se lisaient reconnaissance et pitié
Et dans ses mains, levées comme pour bénir, la détresse.
A son sourire, je reconnus ce lugubre séjour -
A son sourire mort, je sus qu’ici était l’Enfer.
Mille souffrances dardaient la face de cette apparition,
Mais aucune goutte de sang ne coulait plus ici,
Aucun canon ne cognait, ni ne faisait gémir aucun conduit.
"Etrange ami, dis-je, pour quelle raison te lamentes-tu ?
- Aucune, dit l’autre, sauf les années perdues,
Le désespoir. Quelle que puisse être ton espérance,
Ma vie en était faite aussi. Je chassais gaiement
La plus sauvage beauté du monde
Loin des yeux calmes et des cheveux tressés,
Celle qui méprise le cours régulier des heures
Et quand elle pleure, c’est avec plus de faste qu’ici...