dimanche 31 janvier 2016

HUGO / AUX ANGES QUI NOUS VOIENT

- Passant, qu’es-tu ? je te connais.
Mais, étant spectre, ombre et nuage,
Tu n’as plus de sexe ni d’âge.
-Je suis ta mère, et je venais !

- Et toi dont l’aile hésite et brille,
Dont l’œil est noyé de douceur,
Qu’es-tu, passant ? - Je suis ta sœur.
- Et toi, qu’es-tu ? - Je suis ta fille.

- Et toi, qu’es-tu, passant ? - Je suis
Celle à qui tu disais : Je t’aime !
- Et toi ?  Je suis ton âme même. -
Oh ! cachez-moi, profondes nuits !


Victor Hugo Les Contemplations  juin 1855

DIMANCHE SANS PAROLE


mardi 19 janvier 2016

LEONARD /2



2/ A l'époque les ateliers sont de formidables laboratoires de techniques: peinture, sculpture, fonderie, orfèvrerie, décors de théâtre, et de grands lieux de fêtes et de débauches. Vinci se veut immortel grâce à ses travaux d' ingénieur, d'anatomiste et de cartographe consignés dans le Codex Atlanticus , il le sera en grande partie grâce à une vingtaine de tableaux, dont beaucoup sont inachevés (bataille d' Anghiari) ou dégradés (Cène) à cause de sa technique personnelle incompatible avec la fresque. Son fantastique projet de statue équestre coulée d'une seule pièce échouera à cause des français. Il sera inquiété un temps pour sodomie en réunion ce qui à l'époque peut causer de gros soucis, puis plus tard pour profanation de cadavres, pratique condamnée par l'église. Inventera t-il son écriture en miroir par souci de discrétion ou par commodité de gaucher ? peu importe ! Son génie de l'observation, de la représentation technique, de l'invention, l'emmènera au plus cruel sur les chemins de la guerre, au plus insaisissable sur le fil de l'eau, au plus haut avec les oiseaux, mais aussi à cause de la calomnie, au plus profond de la mélancolie. Il termine sa vie en Val de Loire au manoir du Cloux (devenu clos Lucé) en 1519. La mort le surprend en train d'écrire -ce qui constitue une belle fin pour une vie, mais aussi pour un post :  « je continuerai ....»

lundi 18 janvier 2016

LEONARD /1


1/ Sacré Léonard ! Il aura gagné son pari. Presque 500 ans après sa mort il fait encore le buzz et sa gloire est universelle. Pourtant le génial gaucher, inventeur, peintre, ingénieur, dessinateur aura entouré sa vie et son œuvre de «sfumato» cette technique si spéciale de peinture qui estompe les contours, par superposition de couches innombrables. On le croit austère : jeune, il est joyeux, grand (1m95) beau, séduisant, spirituel. On l'imagine asexué: il éprouve une passion dévorante et presque névrotique pour le beau Salaï, voyou androgyne. On le pense lettré et de haute lignée. Il ne maitrise ni  grec ni latin, fils illégitime d'un notaire et d'une paysanne de Vinci, un village de Toscane. Toute sa vie, il courra après la reconnaissance pour ne pas devenir comme ces êtres dont « le seul but est de transformer en excréments ce qu'ils mangent ». Toute sa vie il cherchera l'appui et les subsides de riches protecteurs: Médicis, Sforza, Borgia, François 1er. Après son apprentissage dans l'atelier de Verrochio, qui selon la légende aurait arrêté de peindre, déstabilisé par le coup de pinceau de son génial apprenti, il se fait connaître en concevant des machines extraordinaires de fêtes princières: automates, décors à systèmes ou chevaux animés, puis par une adoration des mages dans un monastère.             à suivre...




jeudi 14 janvier 2016

ARBEIT


C'est un petit essai sur le travail aux éditions Utopia. On me la prêté. Le titre exact est « le travail histoire d'une idéologie. » J'entends déjà fuser les vocables : gauchiste, feignant, rêveur… Qu'importe. En 80 pages l'auteur Guillaume Borel nous relate, la transformation du chasseur-cueilleur-éleveur-nomade en cultivateur sédentaire, l'émergence des cités et le processus de domination par les ordres forts, la révolution bourgeoise, la prédominance (toujours actuelle) du capital sur le travail, les totalitarismes du siècle dernier entre Stakanovisme et homme nouveau. Il dessine ensuite sur fond de raréfaction la transformation du travail en emploi, du travailleur en consommateur tandis que se trame la robotisation généralisée et la disparition programmée (projet Amazon) de l'humain en poste. C'est très intéressant. Seule sa conclusion me laisse un peu dubitatif. L'auteur voit dans notre surproduction et la raréfaction du travail une opportunité à l'engagement des citoyens dans la gestion des affaires publiques, et la mise en place d'un exercice direct et égalitaire de la démocratie. Si l'humain avait du être raisonnable, il aurait fait les bons choix depuis longtemps. Or il  laisse trancher l'Histoire.  "Trancher" est le maître mot.
PS/ Vous le saviez vous, que la majorité de la parfumerie française, symbole du luxe et du savoir-faire national, était fabriquée en Italie afin d'avoir de meilleures marges ? Moi, je l'ignorais... Etonnant, non ?

dimanche 10 janvier 2016

LE JUGE ET LE GALABRU



Ces temps-ci la commémoration fleurit : Charlie, Mitterrand... la rubrique nécro est chargée :  Delpech, Turca, Boulez, Courrèges, Bowie aujourd'hui... Il faut choisir, non en fonction de l'importance réelle du défunt mais de celle qu'on lui accorde. J'aurais sans doute fait l'impasse sur la disparition de Galabru, s'il n'y avait ce magnifique film de Tavernier (1976): "Le juge et l'assassin". L'acteur endosse le rôle de Bouvier, ancien sergent, chemineau qui arpente le Sud-Est de la France, balle et folie en tête. Il viole et éventre jeunes bergers et bergères avant de se faire rattraper par les gendarmes et son juge. Celui ci gagne sa confiance pour mieux le trahir. L'histoire est authentique (Vacher au lieu de Bouvier). Le film se déroule dans de magnifiques panoramas, sur fond d'affaire Dreyfus, de chants communards et de grèves ouvrières. Noiret est bon. On a le plaisir de revoir le grand Jean Roger Caussimon. C'est une pépite (comme Uranus - La guerre des boutons - L'été meurtrier - Le choix des armes...) dans la filmographie de Galabru où les nanards fleurissent. A travers ces films il fait la preuve de son immense talent. Ici fou, exalté, pathétique et tellement humain. Entendez le hurler et justifier le mal qui le ronge "je suis l'anarchiste de Dieu". Trop beau ! A chacun son oeuvre. A chacun son chef d'oeuvre...

DEBOUT LA REPUBLIQUE


mardi 5 janvier 2016

VOIX DE FEMMES



"Que sont mes amis devenus? " ont chanté Joan Baez, Cora Vaucaire , Philippe Léotard, Léo Ferré . Les voix d'hommes nous en parlerons plus tard. Que sont devenues ces belles voix des années 60/70/80 ? Ces belles voix de femmes arrachées à ces visages de madones aux chignons crêpés, à la mèche rebelle, aux boucles sauvages... Sauvage comme Catherine. Mais souvenez vous aussi - après Piaf - de Jacqueline Boyer, Francesca Solleville, Pia Colombo, Line sans Willy, Colette Magny, Colette Renard, Mama Béa, Anne Sylvestre, Ribeiro la grande Catherine... Certaines sont mortes après avoir fait leur carrière : géniale Barbara, d'autres après l'avoir à peine entamée : pauvre Gribouille ! Ça sentait la rive gauche, le beau texte, l'amour ou l'anarchie. Que sont nos amies devenues ? You tube les fait revivre à condition de les connaître et de vouloir se souvenir. Pour le reste, elles doivent vieillir quelque part, oubliées, démodées. Amnésiques de notre passé, nous sommes bien cruels avec nos artistes.