dimanche 27 septembre 2015

BELLE-ILE / 5 LES BATEAUX



Les bateaux sont difficiles à dessiner. Courbes, contrecourbes parallèles et pourtant fuyantes des plats-bords, des bastingages passent derrière la cabine ; les proportions sont difficiles à saisir. Les teintes aussi ! - Vieux - ils se chargent d'émotion: patine, peinture écaillée, planches disjointes, formes démodées nous parlent alors de temps noyé,  de travail, de vies enfuies. Le bateau selon Barthes est la maison superlative. Au delà du voyage, de l'évasion, de l'exotisme, il est avant tout la maison essentielle, la coquille qui protège, où tout est sous la main au milieu du grand tout. Amarrés à Belle-Ile certains n'ont  plus que cette fonction. Je les trouve très beaux. Les êtres à quai ont-ils ce charme ? - Parfois - s'ils ont vécu et tangué comme les vieux rafiots.

mardi 22 septembre 2015

BELLE-ILE /4 LE MUSEE


Les grands musées, c'est bien. Les  muséographies intelligentes, les institutions, les œuvres, la modernité s'y expriment. Les petits musées de province -eux- ont un charme discret empreint du temps qui passe. Vitrines vieillottes, étiquettes jaunies, œuvres disparates. Mais toujours quelque chose vous y émeut. Aujourd'hui dans les salles en berceau du fort Vauban, un cuirassé -jouet d'enfant en tôle plié- un brevet de danse second empire, des portraits au crayon de prisonniers politiques incarcérés sur l'île attirent mon attention. Sur un pilier un conscrit de 1914 me regarde dans son uniforme tout neuf, un jeune homme presque beau malgré un nez épais. Mais ses épaulettes rouge sang, la pose altière, le cadre trop doré prennent une autre coloration pour qui connait l'histoire. Ce gars sera mort dans quinze jours, le képi et la tête explosés dans les blés du mois d'aout.



samedi 19 septembre 2015

BELLE- ILE /3 LOCMARIA


Peu de plages à Belle-Ile. Quelques anses, petites ou grandes coincées entre rochers retiennent le sable. De part et d'autre, les falaises de schiste se découpent et attaquent la mer. Le chemin côtier, qui les dominent, blanc, escarpé, nous trimballe parmi les mûriers de pointe en pointe. Peu de constructions, la côte reste sauvage. A Port Blanc - mais il y a beaucoup de Port-blanc en Bretagne- une construction lovée dans la falaise, couverte de végétation se remarque à peine. En contrebas, une plage à la toison jaune, offre son ventre et se.laisse caresser par la mer. Volupté de l'eau. Ile et fille sont elles sœurs ? Port-Maria, Locmaria mais qui donc est Maria ?

jeudi 17 septembre 2015

BELLE-ILE /2 CAFE LITTERAIRE




Les voyages servent à cela. Découvrir d'autres pays, d'autres lieux, d'autres gens. Dans une rue en pente du Palais un café littéraire regarde le port. Les deux yeux curieux des fenêtres disent « entrez » et le nez de la porte nous laisse entrer. On y boit un ballon de rouge ; on y consulte des romans, neufs ou d'occasion , des biographies d'écrivains, de poètes. Desnos est sorti, Char ne devrait pas tarder. Le patron - chevelure blanche - à la fois discret et disert alterne silences et conseils. La wi-fi passe, le vieux chat sourd et aveugle de 22 ans m'accepte. Le "Liber and Co", sa belle lumière et ses fauteuils de cuir me verront plusieurs fois dans le séjour.


mardi 15 septembre 2015

BELLE - ILE /1


Des mats, des mouettes, des toits, des embruns, un fort qui nous toise, un port qui nous offre notre premier embouteillage à la descente du bateau. Nous sommes sur Belle-Ile, la bien nommée. L'agence, quelques emplettes, un tour rapide ... premières sensations. Allons prendre nos quartiers. Une rue en pente grimpe vers la porte Vauban. Belle-île,  paradis du vélo !  Que celui qui n'a jamais posé le pied dans un des nombreux "rempaillons" de l'île, cuisses en feu et souffle court  me jette la première pierre. Le vélo électrique a du être inventé ici il y a quelques siècles...

mercredi 9 septembre 2015

SEIX /3


Les maisons : le malheur y rentre parfois comme une coulée de boue. Elle se joue du château, dévale la rue en pente, dégueule sur les pavés et défonce la porte en face qui semblait si solide. Le malheur - la mort - sonne le tocsin des guerres, emporte les conscrits, emporte les jeunes gens sur les routes, emporte les malades. Ne vous fiez pas à son allure de vieille dame... la mort a su traverser les ages. Les maisons, troublées par le bruit assourdissant de l'absence ne sont alors, plus jamais les mêmes.

lundi 7 septembre 2015

SEIX /2







Seix /2 ou le deuxième sexe... On connait la sentence de Simone de Beauvoir: « On ne nait pas femme on le devient ». Ce matin, à la terrasse du café nous pouvons vérifier sa pertinence. Une femme devise bruyamment avec son compagnon. Jeune, enjouée, jolie, à ce détail près que tatouée comme un biker californien, des entrelacs celtiques et des cacatoès multicolores ornent sa peau jusqu'au cou. Son épiderme n'est plus que le prolongement esthétique de la robe courte choisie à cet effet. Etrange ! A côté un couple sirote l'apéritif. L'homme se lève pour payer l'addition. Surprise ! Un embryon de poitrine vient orner son torse puissant. Des cuisses body-buildées à faire pâlir d'envie un sprinter Jamaïcain, des bras de camionneur, et des veines puissamment dessinées achèvent jusqu'à la perfection ce corps de femme culturiste de moins de cinquante ans. Nous achevons notre café et nous nous levons , avec le sentiment d'être somme toute assez... banals. Nouvelles icônes, autres schémas corporels, autres codes d'identification, de personnalisation, de narcissisme. Une chose est sûre: les temps changent.