Les grands musées, c'est bien. Les muséographies intelligentes, les institutions, les œuvres,
la modernité s'y expriment. Les petits musées de province -eux- ont
un charme discret empreint du temps qui passe. Vitrines vieillottes,
étiquettes jaunies, œuvres disparates. Mais toujours quelque chose
vous y émeut. Aujourd'hui dans les salles en berceau du fort
Vauban, un cuirassé -jouet d'enfant en tôle plié- un brevet de
danse second empire, des portraits au crayon de prisonniers
politiques incarcérés sur l'île attirent mon attention. Sur un pilier
un conscrit de 1914 me regarde dans son uniforme tout neuf, un jeune
homme presque beau malgré un nez épais. Mais ses épaulettes rouge
sang, la pose altière, le cadre trop doré prennent une autre
coloration pour qui connait l'histoire. Ce gars sera mort dans quinze
jours, le képi et la tête explosés dans les blés du mois d'aout.