samedi 17 mai 2014

LE TEMPS DES ASSASSINS.

Dans cet essai de 1956 le romancier américain Henry Miller décrit sa découverte longtemps différée puis sa fascination, pour Arthur Rimbaud. Dans un portrait quasi christique - d'un Christ païen - de l'adolescent arrogant puis de l'homme crucifié sur le Golgotha de l'art , il nous parle aussi de lui, de Van Gogh , du génie. Est-il utile de rappeler que la « comète Rimbaud " traverse le ciel d'un XIXe matérialiste et réinvente la poésie, musique céleste de l'âme, entre 17 et 20 ans ? ... Laissant les rimailleurs de l'époque hébétés. Après avoir tout expérimenté, et procédé à ce qu'il appelle un « long et raisonné dérèglement de tous les sens » après être arrivé au fond de lui même, et ramené la littérature à la vie , il choisit de déranger son destin - crime ultime - et de ne pas éclore . En s'enfonçant dans le désert d'Haden, sa muse morte à ses cotés , l'innocence de ses péchés dans la besace, l'ennui la crasse et la misère comme compagnons Arthur abdique. Astre mort, il nous laisse la photo archétypale de l'adolescence porteuse de tous les rêves du monde - «  lettres du voyant » - «  le bateau ivre » - « une saison en enfer » - « les illuminations »... Face au soleil, maudissant les vieillards , il nous interroge - à jamais intact - dans le vacarme assourdissant de son silence. Miller augure : « Avons nous touché le fond ? La crise morale du XIXe siècle n'a fait que préparer la faillite spirituelle du XXe siècle. C'est «  le temps des assassins », ne nous y trompons pas. La politique est devenue l'affaire des gangsters. Les nations s'avancent dans le ciel mais elles n'entonnent pas les chants d'allégresse ; les bas-fonds se dirigent vers les soupes populaires.   

      " C'est l'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes..."