Elle n'a pas fait de cadeau. On a retrouvé Stéphane au pied du sapin le matin du 25 décembre, le cœur un peu arrêté. C'était un ami, archéologue qui nous a montré bon nombre de tumulus.
Maintenant il a le sien à lui tout seul, en attendant que des collègues à lui viennent mettre son crâne et ses tibias dans un carton dans quelques siècles....
On a fait de belles marches ensemble, avec des nuitées improbables.
A sa messe d'enterrement j'ai su qu'il était bien mort car il n'y a eu que des louanges: ça c'est un signe ! Même les anges du retable pleuraient. Moi aussi je pleurais. Heureusement je mets toujours mes lunettes noires.
Et puis le tocsin c'est pas gai.
Cardinal : de toutes façons il avait un nom à finir dans une église.
Voir son fils tout seul agenouillé au bord du trou pour un dernier au revoir c'était poignant dans le genre. Mais ça c'est peut-être parce que j'ai aussi deux fils, et que je les ai imaginés au bord de mon trou. Dans un maximum d'années, j'espère.
Après la cérémonie on s'est retrouvé chez lui pour discuter et boire un coup. C'est souvent sympa ce moment là, car il y a de la chaleur et de la communion, voire même un soupçon d'érotisme. Il y avait ses deux filles que je ne connaissais pas
- d'un premier mariage- Mignonnes. J'ai discuté avec l'ainée. Bien perturbée, parce que son père n'avait jamais trop marché avec elle, et que dans l'avenir ça semblait un peu compromis. Ce qui est embêtant dans la mort: c'est le «jamais plus».
Sa femme, quand on s'est quittés m'a demandé si on était venu pour Stéphane ou aussi pour elle. J'ai dit qu'on ne savait jamais vraiment pourquoi on venait dans ses moments là. Mais je sais que la mort sépare aussi les vivants. Je la connais peu...Salut Stéphane. On ne marchera plus ensemble, d'ailleurs j'ai du mal à marcher. Tu étais un garçon intelligent, très intelligent même. Une sorte de statue du commandeur. Un peu péremptoire parfois. Un homme quoi ! Qui n'a pas cru bon d'aller consulter avec des douleurs au bras depuis quelques jours.
Au cimetière, les ifs ont remplacé les sapins.
