Mes
frères, ne m'en veuillez pas. Mes bras ne sont pas assez solides
pour porter le poids de l'Histoire. Je ne me sens responsable ni du
génocide Arménien, ni de la Shoah, ni des massacres de Sabra et
Chatila. Je n'aurais sans doute été ni Papon, ni Jean Moulin, ni
Versaillais ni Communard. Je remercie le ciel de n'être né ni Hutu
ni Tutsi, ni juif ni allemand, ni harki, ni fellagah, ni
appelé....rien! Je n'ai pas fait l'Histoire, ne la ferai pas. Mais,
qui la fait en réalité ? Quelques politiques, quelques savants,
aventuriers ou sportifs, deux ou trois artistes, sur lesquels on a
craché parfois! Tous
remplissent les cimetières, et les musées...
L'Histoire
-avec sa grande hache- je m'y intéresse car la méconnaitre peut
coûter cher. Elle nous ballotte, nous engloutit et au mieux nous
épargne. La mienne sur laquelle je pèse si peu, me donne du fil à
retordre.
-Alors,
le devoir de mémoire, me direz-vous?
Pourquoi
demander aux peuples d'être objectifs face à leur passé, alors que
nous le sommes si peu face au notre? Quel fils avons nous été,
quel camarade, quel mari, quel citoyen ou collègue? Quel «frère»?
Quel père sommes nous, quel vieillard ferons nous? Quel regard avons
nous porté sur les femmes, l'argent, le pouvoir? Au moment du grand
saut avec quel oeil regarderons nous le
ciel ? Que sont devenus nos rêves, nos illusions, nos combats?
Notre talent... Ne
trichons nous pas en permanence, pour présenter notre beau profil
dans le miroir? Et
si mes bras fatiguent, qu'en est-il de mes jambes?
-Je ne chausserai pas les bottes de l'Histoire qui montent jusqu'aux genoux comme les bottes de gendarme. Je me contente de faire le tri dans mon placard à chaussures d'homme. J'en garde une bonne paire pour la fin du voyage, ni trop vernie, ni trop pointue, pas encore pantoufle -à ma taille, ma «pointure»- J'enlève les graviers qui empêchent de marcher et me mets en chemin...
-Je ne chausserai pas les bottes de l'Histoire qui montent jusqu'aux genoux comme les bottes de gendarme. Je me contente de faire le tri dans mon placard à chaussures d'homme. J'en garde une bonne paire pour la fin du voyage, ni trop vernie, ni trop pointue, pas encore pantoufle -à ma taille, ma «pointure»- J'enlève les graviers qui empêchent de marcher et me mets en chemin...