dimanche 10 février 2013

DDC




















La Demeure du Chaos est un ancien temple protestant devenu relais de poste au XVIIe siècle. Il est situé sur un parc de 12000m2 à Saint-Romain-au-Mont-D'or en banlieue nord de Lyon. Son propriétaire Thierry Erhmann l'a entièrement remanié et déstructuré depuis 1999 date de sa vision artistico-mystique pour en faire un lieu d'exposition et d' animation théâtrale. Inspiré d'un décor post-apocalypse jonché de débris: voitures calcinées, carcasse d'hélicoptère, toits éventrés, ruines, poutrelles, tags et constellés de portraits divers: Ben-Laden, le Dalaï lama, Fidel Castro, Jean Ferrat... Il accueille gratuitement 100000 personnes par an selon l'artiste. N'ayant demandé aucune autorisation pour réaliser ce qu'il considère comme une œuvre d'Art, celui ci a été mis en demeure de restituer le lieu et les façades d'origine. La bataille entre les riverains, la municipalité, la justice et l'artiste continue malgré la condamnation de ce dernier.


Ce procès pose à nouveau les questions: qu'est ce qu'une œuvre d'art? qui est artiste? qui est juge en la matière? Chacun trouvera sa réponse, en se remémorant l'affaire Brancusi, Duchamp, le Palais du facteur Cheval, l'art brut, ou son voisin de palier qui «barbouille»... 
-Difficile de trancher-
Vous aurez compris que nous sommes davantage ici en matière d'art et de style dans le "train fantôme du Chaos" que dans la cour du Palais des Papes à Avignon, même si dans les deux cas la nuit et les fumigènes renforcent l'oeuvre...
-Je vous livre deux réflexions-
Cette esthétique de la chute, de l'après catastrophe sur fond d'ésotérisme, de salamandre, de transmutation me touche moins au final - car plus calculée- que la folie poétique  et solitaire du facteur Cheval à Hauterives.
De même son créateur me bouleverse moins que le «pauvre fou» à la brouette dont il se réclame pourtant. Je le sens plus proche d'un Andy Warhol fabriquant dans sa Factory des happening au service de sa propre image.
Ici même la crucifixion du démiurge un tantinet cabot semble enrichir le scénario. Mais peu importe. Ce lieu existe. Il est fort. Si les riverains soucieux de beauté et de règlement alliés aux pouvoirs publics veulent me convaincre de la légitimité de sa destruction, ils devront d'abord me persuader du caractère intemporel de leurs pavillons merdiques qui assassinent le paysage. L'administration détentrice du bon gout devra se justifier sur ses avis favorables qui l'ont laissé en toute légalité défigurer nos villes, nos campagnes  le littoral tout au long du siècle dernier. Un chaos peut en cacher un autre.