mercredi 10 février 2016

BERBERE MON FRERE

à Sofiane

Une tenue, une planche ; celle d'un frère marocain. " Les révolutions arabes". L'Islam en toile de fond - La parole circule - Ma question : pourquoi y a t-il aussi peu de musulmans en maçonnerie ? Réponse nébuleuse. Question reformulée : pourquoi y  a t-il aussi peu de musulmans, de maghrébins, d'africains, d'arabes, de berbères dans notre loge, alors qu'ils sont si nombreux dans la cité ?  Pas de réponse - Fin de la tenue - En salle humide un jeune frère, français d'origine algérienne me donne les clés, ses clés, celles du coeur, de l'intelligence, de l'histoire.  Je vous les livre. " Tu sais, l'islam, il y a dix ans dans les cités, n'était pas un problème. Le problème c'était de choisir entre être délinquant ou ne pas l'être. Chômage, violence, trafic étaient déjà la règle dans les cités ghettos. Dans les années 2000 les éducateurs ont été remplacés par des imams. On a dépolitisé une classe populaire susceptible de se rebeller en lui donnant l'os de la religion à ronger. La population maghrébine est une population déculturée, qui se raccroche à quelques repères identitaires: nourriture, langue, aujourd'hui religion afin d'appartenir à une communauté. Tu sais,  les plaies de l'histoire ne sont pas refermées.  France et Algérie n'ont jamais fait le travail de mémoire sur la colonisation, la décolonisation... la dictature militaire. Lors de la première vague des années 60 l'ancien indigène, citoyen de seconde zone s'est transformé en travailleur immigré mal payé, dévolu aux sales besognes . Le père a transmis son humiliation, ses rancoeurs à son fils, à son petit fils. Celles ci se ravivent au premier affront, au premier refus. La seconde vague d'immigration  fut celle des intellectuels algériens fuyant la terreur de la décennie noire. Ceux ci nous méprisent aussi. La Franc-maçonnerie, bien sûr que non, mes parents ne sont pas au courant ! S'ils savaient, ils ne me jugeraient pas, mais diraient : " C'est un truc de Français." Il me parle de son ami de toujours, tombé dans le fondamentalisme, de ce fossé immense qui les sépare aujourd'hui. La soirée se poursuit. Je me réjouis de sa différence, de sa présence. Je m'enthousiasme à l'idée d'une République -creuset des différences ou se fond parfois un pur métal, je m'afflige de cette alchimie en panne. Je m'interroge sur nos loges sans diversité où "gaulois" laïcs-athés-déistes d'une même classe se côtoient. Nous faisons le rêve de loges plurielles dans une société plurielle, seules capables d'atténuer les tensions. Nous nous quittons sur le trottoir dans l'obscurité. Avant de partir  pour me clamer son espoir, il me dit. "Tu sais, il suffit de donner un travail et une copine aux jeunes, et tout s'apaisera." Je ne peux m'empêcher de  répondre. " Le travail il n'y en a pas, ni pour vous ni pour nous, et les filles il faut savoir leur sourire..."     
-La nuit noire nous avale-