Ce plaidoyer pour un respect mutuel entre catholiques et maçons, écrit par Paul Pistre historien et Jean Rigal théologien, à l'initiative du Service Incroyance et Foi (SIF), est destiné à être diffusé. Il l'a été dans la Hiérarchie, la presse catholique, Libération, le Monde et divers mouvements. Le SIF regroupe des personnes d' horizons, de croyances et de sensibilités différentes qui réfléchissent sur des problèmes de société. Prochain rendez vous le samedi 12 octobre 2013 de 9h30 à 16h30 à l'institut catholique de Toulouse autour du thème: "La fraternité change t-elle de visage?" en présence d'un ancien grand maitre-adjoint du G.O Paul Dedieu.
-"Catholiques et maçons. Plaidoyer pour un dialogue La sanction qui a frappé le curé de Mégève, Pascal Vesin, a ému les Français. L’opinion publique pensait que les esprits étaient apaisés, et dans les deux camps. La décision de la Curie romaine montre qu’il n’en est rien. L’accusation de « péché grave » contre tout maçon, est insupportable. L’idée la plus répandue est que le conflit séculaire Eglise – FM comporte tant de critiques et de condamnations qu’il est illusoire de s’attendre à un changement sérieux. L’affaire de Mégève nous invite à dépasser un conflit local et à nous interroger plus largement sur un éventuel dialogue entre catholiques et maçons. Depuis un demi-siècle, les catholiques ont vu se transformer leurs relations avec toutes les familles spirituelles : avancées sérieuses avec les protestants et les juifs, plus limitées avec les musulmans et les bouddhistes, voire avec quelques athées. Et pourtant, durant des siècles, que de critiques et de condamnations
entendues, suivies parfois d’expéditions sanglantes ! Des contacts discrets, humbles ont été entrepris. Peu à peu, les mentalités ont évolué. Le climat de ces rencontres était le respect mutuel, sans souci de conversion ou de prosélytisme. Chacun se trouve heureux de ces transformations qui se poursuivent. La FM de 2013 n’est plus celle de la IIIème république. En France aujourd’hui, elle est très importante, avec 160000 membres. Mais elle est divisée en de multiples obédiences. Ainsi, le Grand Orient - qui jadis comptait la très forte majorité des frères – en rassemble désormais 50000. Les différences entre obédiences tiennent souvent aux positions philosophiques ; les unes se veulent « adogmatiques », d’autres ont une spiritualité plus ouverte. Existe même un Grand Prieuré des Gaules qui s’affirme FM chrétienne. De plus en plus, en toute loge, aucune philosophie unique n’existe, même si des valeurs communes sont revendiquées : fraternité vécue en loge, recherche personnelle de la vérité, engagement citoyen, attachement à la laïcité…Chacun se rend compte que toutes les mentalités sont présentes, hormis les partis extrêmes. Pour faire bref, on peut dire que la FM française n’est plus celle de 1900. Elle n’en demeure pas moins une famille spirituelle originale. L’Eglise aussi a nettement évolué. Est oublié le Syllabus, 1864, qui condamnait tout ce qui se prétendait moderne. Nous vivons après les avancées de Vatican II, les deux rencontres d’Assise et avec le pape François qui demande qu’on aille vers « les périphéries de l’Eglise. » Pour quels motifs l’Eglise catholique condamne-t-elle la FM ? Le premier motif est d’ordre historique. Ces deux institutions se sont livrées, au cours des siècles, des combats acharnés qui ont marqué, en profondeur, leurs relations et altéré tout désir de dialogue. Dans le Code de Droit canonique de 1917, les francs-maçons étaient excommuniés. Le Code de 1983 déclare : « Qui s’inscrit à une association qui conspire contre l’Eglise sera poursuivi d’une juste peine ; mais celui qui y joue un rôle actif ou qui la dirige sera poursuivi d’interdit.» (Ca. 1374). La même année, le cardinal Ratzinger, alors président de la Congrégation pour la doctrine de la foi, ajoutait que les fidèles qui s’inscrivent à la F.M. « sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion ». Ce durcissement semble contredire les ouvertures du concile Vatican II et les réflexions récentes du pape François : « Quand l’Eglise se ferme, elle est malade ». L’un des buts premiers de la franc-maçonnerie est de promouvoir un perfectionnement intellectuel, moral et spirituel, à partir des seules forces humaines. Mais, sans tomber dans un relativisme absolu, la recherche personnelle de la vérité est-elle incompatible avec l’aide d’une Révélation ? Le maçon accorde une large place à la raison dans la recherche de la vérité. Mais foi et raison ne sont nullement incompatibles. Au contraire, l’une interroge l’autre. Selon la formule du concile Vatican I (1869-70) : « la foi et la raison s’aident mutuellement ». Quant au concile Vatican II, il associe «la liberté de conscience » et « la recherche de la vérité ». Quelle expérience en ont les catholiques maçons ? Un troisième aspect retient notre attention. Il concerne l’adhésion aux dogmes. On sait que beaucoup de maçons se veulent « adogmatiques ». Peut être est-il utile de rappeler que la foi ne porte pas sur des formules dont l’expression demeure forcément liée à un contexte, mais sur la découverte de« Quelqu’un ». Qu’en pensent les catholiques maçons ? Comment avancer dans le dialogue ? Du côté catholique, connaître et reconnaître les importants changements que la franc-maçonnerie a opérés au cours de ces dernières décennies. Etre attentif à sa grande diversité. L’ignorance reste un obstacle majeur à un éventuel dialogue. Susciter des rencontres amicales où catholiques et maçons font part de ce qui les anime. Du côté des obédiences maçonniques : promouvoir une laïcité ouverte, attentive au bien commun, loin des lobbies influents, au service d’un monde juste et fraternel ; considérer « les problèmes de société » en référence à la dignité humaine, où tous les hommes de bonne volonté devraient pouvoir se rejoindre, pour s’écouter d’abord et agir ensemble."-