Il ne faut jamais revenir sur les lieux de son enfance. Pourtant Google Maps et sa fonction Street view y incite. Au mieux, les lieux n'ont pas trop changé, au pire ils sont méconnaissables. Une ville de banlieue. Vous cherchez le petit bazar de la rue tortueuse montant vers l'église où vous étiez enfant de chœur... or la rue a disparu. Reste l'église. Les panneaux routiers ont déraciné les arbres, le bitume a noyé la terre battue. Comme un avertissement, le film de Jacques Tati "Mon Oncle" annonce ce triomphe à venir de la modernité et de sa solitude. C'est l'Histoire me direz-vous ? - un temps meurt, un autre nait. - Oui, à condition qu'une poésie en remplace une autre. Notre société a laissé filer l'art du beau dans la ville. Nos cartes postales de rues piétonnes aux jardinières hexagonales, les mairies bling-bling, les barres grises ne feront pas recette. Et n'allez pas me parler de passéisme ou du charme des lotissements blafards - l'architecture m'est connue... Dans ma tour au 5ème étage, du haut de mes dix ans, les baies vitrées de l'immeuble d'en face me rassurent. Bonne nuit. A demain. Nounours et le Marchand de sable s'éloignent à bord de leur nuage sur un air de pipeau prémonitoire. Pom.Popopom.Pom.Pom. C'était beau, ça ne l'est plus. L'enfance n'a pas tenu ses promesses.