mardi 11 novembre 2014

PRIERE POUR UN CRÂNE


Chers soldats qui êtes aux cieux,
ou dans la boue
petits tas d'os, mêlés de pluie . 
« Ne pleurez pas ! Nous pleurerons pour vous »
Fuyez à toutes jambes, dormez dans vos trous,
riez à pleine gorge, carcasses de feu qui ne
voyez plus  - coupées en deux -
bûches blanches de suie
et noires...
« Ayez pitié de nous ! »  qui n'avons pas pu. 
Peut être nous pardonnerons vous d'être
morts pour rien, dans le froid, l'azur,
dans le ciel d'été d' une rafale bleue, si lointaine déjà.
Vous reviendrez, Teutons édentés,
Anglais aux bols ronds, Français de garance
Sénégalais de France
ou Chinois parcheminés et vous danserez dans
la jeunesse ensanglantée de vos vingt ans.
Nous vous regarderons boire du mauvais vin,
fourailler la Madelon, déjà morte de vous attendre.
Vous reviendrez dans ce cabaret - et -
silencieusement, vous tirerez une machette 
d' une musette ou d'une manche.
Nous ne dirons rien, nous ne verrons ...
ni votre sourire étrange,
ni l' épais sang noir , qui coulera
du crâne blanc - vieux sang bourgeois -
nous ne crierons pas quand vous vengerez
                        vos femmes seules
                        les chevaux éventrés 
                        les boyaux dans vos mains
                                            tout en retirant
... votre langue de vos narines.

                               Ainsi soit-il.            Ciril. K