« Et nous les prions, pour l’amour de Notre Seigneur, de donner à nos enfants un travail qui leur permette de gagner leur vie de façon décente et honnête, et en toute sécurité ».
C’est ainsi que, grâce à la bonne géométrie, cet honnête métier qu’est la bonne maçonnerie fut constitué et créé, et mis au point par les clercs. À la demande des seigneurs ils créèrent un art qu’ils nommèrent maçonnerie, en se basant sur le modèle de la géométrie, décidés à en faire le plus honnête des métiers.
Le nom de ce grand clerc était Euclide et sa
renommée s’est répandue au loin. Il ordonna que celui qui était
le plus doué devait instruire celui qui l’était moins pour
l’améliorer dans cet art honnête ; ainsi ils devaient s’instruire
l’un l’autre et s’aimer tous comme frères et sœurs. Il ordonna encore que le plus avancé soit
appelé maître, afin qu’il soit particulièrement honoré. Mais
les maçons ne devaient jamais s’appeler entre eux de noms de
sujets ou de serviteurs, car ils sont unis dans le métier, même si
l’un est moins avancé que l’autre. Ils doivent s’appeler
compagnons, car ils sont tous de noble naissance.
Le maître maçon doit être loyal stable et
sincère ; on doit pouvoir se fier à lui et jamais il ne le
regrettera. Il doit payer les compagnons selon le prix des
vivres, et payer sans tricher ce que chacun d’eux aura mérité. Il n’exigera que le travail qu’ils peuvent
faire pour le prix de leur salaire. Il ne touchera pas, de pot de vin d’un côté
ou de l’autre, du compagnon ou du seigneur. Il ne recevra rien
d’aucune sorte et tel un juge il se tiendra droit, de manière à
être juste pour tous. Il agira sans tricher, où qu’il aille, et
son honneur et son renom en seront agrandis.
Article second.
Tout maître doit, s’il est maçon, être
présent à la congrégation.Il faut bien l’informer du lieu exact de
l’assemblée. Il doit y aller à moins d’avoir une excuse
raisonnable, sans quoi il est indiscipliné ou hypocrite, sauf s’il
est gravement malade et empêché de se joindre aux autres. C’est
là une excuse valable pour l’assemblée.
Article cinquième
L’apprenti doit être de naissance légitime. Le maître ne doit, en aucun cas prendre un apprenti qui soit difforme ; cela signifie qu’il doit avoir ses membres entiers. Pour le métier ce serait une honte d’engager un bancal, un boiteux, un invalide au sang impur, ce serait préjudiciable à l’art. Chacun de vous saura ainsi que le métier veut qu’on soit fort ; un estropié n’a pas de force, on s’en rend compte rapidement.
Aucun maître ne doit vêtir ni nourrir un
voleur de gré ou de force. Il n’abritera ni voleur ni assassin, ni
personne de mauvaise réputation, car cela déshonorerait le métier.
Le maître a droit de remplacer un homme du
métier qui n’est pas aussi bon ouvrier qu’il faudrait, et
prendre à sa place un homme plus habile, car un homme négligent
peut nuire au renom du métier.
Le maître doit être habile et sage ; qu’il
n’entreprenne aucun ouvrage qu’il ne puisse mener à bien. C’est
dans l’intérêt du seigneur et dans celui de son métier, où
qu’il soit, qu’il assoie les fondations de telle sorte qu’elles
ne glissent ni ne s’effondrent.
Article onzième
Il est interdit formellement à tout maçon de travailler de nuit, si ce n’est pour améliorer ses connaissances.
Article douzième
Un maçon doit être probe, où qu’il se trouve. Il ne blâmera pas l’œuvre d’autrui s’il tient à garder son propre honneur. Qu’il fasse un éloge équitable de l’œuvre, grâce au savoir donné par Dieu et la rende encore meilleure en y collaborant parfaitement.
Article treizième
Si le maître a un apprenti, il doit
l’instruire complètement, en lui faisant connaître l’art de
mesurer, de telle sorte qu’il connaisse bien le métier, où qu’il
aille sous le soleil.
STATUTS DIVERS.
Premier point.
Celui qui veut embrasser ce métier doit aimer Dieu et la sainte Église, et aussi le maître chez qui il vit, où qu’il aille, par champs et bois ; et il aimera ses compagnons, ainsi le veut le métier.
Second point
Que le maçon travaille en semaine, aussi consciencieusement qu’il peut pour mériter son salaire et pour le jour de congé ; celui qui a bien travaillé a mérité sa récompense.
Troisième point
L’apprenti doit tenir secret les avis de son maître et de ses compagnons, l’atelier doit rester privé, et secret ce qui se passe en loge. Quoi que tu voies ou entendes, ne le dis à personne, où que tu ailles ; gardes secrets les propos de la salle ou de la chambre, mets ton point d’honneur à bien les garder, de peur d’être critiqué et de déshonorer le métier.
Pour obtenir de Dieu une longue vie, il est
prescrit bien clairement de ne pas coucher avec la femme de son
maître ou d’un compagnon, ni avec sa concubine, comme tu ne
voudrais pas qu’il couche avec la tienne, sous peine d’encourir
le mépris du métier. Que la peine soit sévère : rester apprenti
sept années complètes. Celui qui a fauté sur l’un des points
doit être puni par ce châtiment, car de grands désordres
pourraient naître de cet infect péché mortel.
Neuvième point
Si l’intendant de notre grande salle et toi, vous vous trouvez en chambre ensemble, servez-vous l’un l’autre, avec joie...
Onzième point
Un maçon connaissant bien son métier, qui voit un compagnon
tailler une pierre et juge qu’il est sur le point de la gâter, lui
viendra en aide autant qu’il peut, et lui montrera comment faire
pour ne pas gâcher l’œuvre.
Quinzième point
... Si leurs fautes sont mises au jour devant l’assemblée, et qu’ils refusent s’en corriger, il leur faudra quitter le métier de maçon et jurer de ne plus jamais l’exercer. Et s’ils refusent de se soumettre, le shérif se saisira d’eux sans délai et les jettera dans un cachot pour le délit qu’ils ont commis. Il remettra l’entièreté de leur fortune et leurs biens, au profit du roi, et il les laissera en prison aussi longtemps qu’il plaira au roi.