Tourné en 1979, cinq après la fin de la guerre du Vietnam, le film garde intact son pouvoir de fascination. A bord d'un bateau de la Navy, avec quatre compagnons, le capitaine Willard remonte une rivière sinueuse comme un long serpent d'eau jusqu'au Cambodge, pour accomplir une mission secrète. Dans cette guerre absurde il côtoie la folie, la peur, l'aveuglement, la puissance technologique, l'opium, le sexe, la mort, le déni... jusqu'au dénouement à la source du mal. Le colonel Kurtz, ancien béret vert brillant, règne au milieu de la jungle sur un peuple fanatisé de guerriers primitifs. Au milieu de têtes coupées et de statues khmères, Marlon Brando incarne son dernier grand rôle. Grand fauve empâté, crâne rasé, visage lunaire se découpant dans un ciel crépusculaire, le tyran récite de la poésie en attendant l'heure de sa rédemption. Elle prend le visage de Willard, devenu son double et déifié lui même après son crime. Kurtz, sacrifié comme un taureau, expulse dans un dernier souffle "l'horreur" qui l'a fait naitre. Willard messager de ce dieu sanguinaire, remonte dans son embarcation et emporte son manuscrit, témoignage d'une folie sauvage, que les autorités américaines auraient bien aimé voir disparaitre. Dernier grand film de Coppola, inspiré (sans le nommer) du roman de Joseph Conrad "Au cœur des ténèbres" le film est un pur chef d'œuvre. Bonne nouvelle : l'apocalypse, l'horreur et les chefs-d'œuvres qu'ils engendrent ont de beaux jours devant eux.