«
L'homme aux semelles de vent » comme l'appelait Verlaine, me hante
en ce moment. Je connaissais la vie, quelques poèmes du jeune homme
pressé : « Voyelles, le dormeur du val, le bateau ivre »...mais
finalement sans plus. Pourquoi cette fascination soudaine pour cet
adolescent qui a réinventé, dépoussiéré la poésie entre 15 et
20 ans, puis s'en est «amputé» , comme on s'ampute d'un membre
malade, troublante prémonition de sa propre fin 17 ans plus tard ?
Il faut tout prendre chez lui : son début d'enfant sage, sa révolte
d'adolescent, son génie littéraire, son orgueil, sa suffisance, son
homosexualité
ou sa non sexualité, son ambiguité face à la
religion, sa mère «la bouche d'ombre», son père, ses sœurs, sa
lâcheté, ses fuites, sa cupidité, son sens de la charité, son
trafic d'armes en Abyssinie, sa haine du bourgeois, ses errances, son
calvaire, sa mort expiatoire... et ne pas en perdre une goutte- Tout
se tient. Pourquoi cette fascination, alors ? Parce qu'il est l'ado
génial que j'aurais aimé être ? Peut-être ? Mais plus sûrement,
parce que cette comète folle m'attire dans son sillage artistique et
poétique, que la quête de l'or ne comprend pas.