lundi 12 février 2018

NOCES D'ARGENT



Discours du premier Mai 1950 . Bagatelle. Charles de Gaulle.

...Un jour, la machine a paru. Le capital l’a épousée. Le couple a pris possession du monde. Dès lors, beaucoup d’hommes, surtout les ouvriers, sont tombés sous sa dépendance. Liés aux machines quant à leur travail, au patron quant à leur salaire : ils se sentent moralement réduits et matériellement menacés. Et voilà la lutte des classes !
Elle est partout, aux ateliers, aux champs, aux bureaux, dans la rue, au fond des yeux et des âmes. Elle empoisonne les rapports humains, affole les États, brise l’unité des nations, fomente les guerres. Car, c’est bien la question sociale, toujours posée, jamais résolue, qui est à l’origine des grandes secousses subies depuis trente-cinq ans. Aujourd’hui, c’est la même question, toujours posée, jamais résolue, qui pousse le monde vers un drame nouveau.
C’est elle qui fournit de prétextes la tyrannie qui s’étend sur les deux tiers de l’Europe et de l’Asie. C’est elle qui, chez nous, procure aux séparatistes tant de concours désespérés. C’est elle qui empêche la prospérité de prendre son essor pour adoucir les misères humaines. Ah ! les pays libres peuvent bien déployer leur propagande et se ruiner en armements, l’épée, de Damoclès demeurera suspendue tant que chaque homme ne trouvera pas dans la société sa place, sa part, sa dignité. Eh bien ! Nous voulons cela ! D’autres peuvent le caricaturer, nous sommes les seuls à pouvoir le faire. C’est l’Association des hommes, de leurs intérêts, de leurs capacités, que nous entendons bâtir. Ce sont des sociétaires, et non des adversaires, qui, selon nous, doivent assurer ensemble la marche des entreprises. Ce sont des contrats, établis en vue du meilleur rendement et assurant à chacun sa part des bénéfices, qui doivent remplacer aussi bien le dirigisme des prix et salaires que le système de ces conventions qui ne sont que des armistices. En raison de tout ce que la France a souffert et de tout ce qui la menace, nous avons décidé, nous, de réaliser cette réforme. Nous y appelons le peuple français. Il nous faut, pour y réussir, vaincre les séparatistes qui ne veulent pas que les plaies soient guéries. Il nous faut aussi faire liquider par le pays la coopérative qui étale maintenant son impuissance au milieu de l’angoisse ouvrière, des affaires ralenties, des grèves pourrissantes, des conciliations .avortées, et pour qui le mouvement serait une mortelle catastrophe. Nous avons choisi, nous, une fois pour toutes pour le présent et l’avenir. N’est-ce pas ? les jeunes, qui m’entendez !... Aujourd’hui, dans le tumulte d’un monde en fusion, au milieu de tant d’appels à la haine ou à la faiblesse, parmi tous les intérêts opposés et embrouillés, moi-même et mes compagnons disons au pays : « Rien ne compte excepté de renaître. Rétablir l’unité, avant tout par l’harmonie sociale ; maintenir l’indépendance ; bâtir l’État qu’il nous faut avec sa force et sa justice. C’est le salut ». Et nous marchons vers le but, sans nous en laisser détourner par aucune combinaison. Nous sommes sûrs qu’à la masse des Français qui nous a déjà rejoints s’ajoutent, pas à pas, beaucoup de ceux qui, d’abord, ne nous entendirent pas ou refusèrent de nous suivre... Travailleurs ! C’est avec vous, d’abord, que je veux bâtir la France nouvelle. Quand encore une fois, ensemble, nous aurons gagné la partie, en dépit des excitations des destructeurs et des intrigues des diviseurs, on apercevra tout à coup une nation joyeuse et rassemblée où, je vous en réponds, vous aurez votre digne place. Alors, on verra sortir, des voiles qui le cachent encore, le visage radieux de la France ! »