jeudi 28 décembre 2017

RASPOUTINE



Fascinant Raspoutine, qui prédit au tsar Nicolas II :  « Je mourrai dans des souffrances atroces. Après ma mort, mon corps n'aura point de repos. Puis tu perdras ta couronne. Toi et ton fils vous serez massacrés ainsi que toute la famille. Après, le déluge terrible passera sur la Russie. Et elle tombera entre les mains du Diable. » En décembre 1916 la prophétie se réalise, le diable est rouge et bolchévique, le "starets" au regard hypnotique meurt et devient un mythe. Ils sont légion en ces temps de ferveur irrationnelle à prédire, guérir, pratiquer la magie... Paysan venu de Sibérie, marié, père de trois enfants, passé par la secte des Khlystys et par le mont Athos au cours de ses errances - tour à tour guérisseur, buveur, débauché ou... ascète le moujik impose sa silhouette noire, son odeur de bouc et ses cheveux gras à la cour impériale de Russie. A plusieurs reprises il sauve par ses transes, ses attouchements et ses prières le tsarévitch atteint d'hémophilie (peut-être simplement en lui interdisant l'aspirine...) Devenu ange noir d'un régime en décomposition et de la haute société de Saint-Pétersbourg - adulé, haï, redouté - il est assassiné par des aristocrates dans des circonstances imprécises : poison (?) balles, barre de fer, noyade (?) thèse du tueur britannique (?)... Sa carcasse gelée récupérée dans la petite Niva, les bras au ciel est enterrée puis brulée. Si son pari mystique s'est révélé payant, il doit être assis à la droite du père ...  "Pour rencontrer Dieu, il faut beaucoup pêcher."       Ra-Ra-Rasputin " chante Boney M.


  



samedi 23 décembre 2017

LA PROMESSE DE L'AUBE



Romain Gary s'en va en 1980 un an après son ex-épouse Jean Seberg.  Elle, abimée d' alcool et de barbituriques... Lui, révolvérisé de sa propre main dans sa propre bouche. Il honore une de ses promesses tardives "Je ne serai jamais vieux"Son visage devenu méphistophélique, si pur et si triste rejoint celui de sa mère, ceux de toutes les femmes évanouies, masques de la Femme idéalisée et fantomatique. Son roman autobiographique porté à l'écran par Eric Barbier sort ces jours-ci. Je n'irai pas le voir... j'ai trop aimé le livre. Cette écriture est un songe. Gary y rêve sa vie future de diplomate, de séducteur, de génie littéraire, de héros militaire et l'offre à Nina - juive russe exilée, amoureuse de la France; peut-être aussi au père à l'hallucinante absence !? Aucune image, aucun combat aérien, aucun désert ne peuvent rendre compte de ce combat ombilical. Au revoir, Monsieur Gary. Au revoir Monsieur Ajar. Merci pour votre humour qui tint si longtemps la mort à distance. Merci pour votre vie devant et derrière vous autour de tant de fantômes, pour votre "doublé" à la barbe des chevaliers des belles lettres, vos mille vies, vos paupières orientales et vos concombres à la russe... "Oui, vous avez vécu."

mardi 19 décembre 2017

ANARCHISME CHRÉTIEN



Je n'ai jamais très bien compris comment on pouvait être chrétien et capitaliste. Concilier amour du prochain,  don de soi,  quête du salut et  mécanisme de domination, de possession, autorisant  subordination des êtres et exploitation des ressources naturelles m'a toujours semblé un grand écart que la messe de 11 heures ne parvenait pas à réduire. D'après mes souvenirs, Jésus de Nazareth était plus soucieux de justice que de dividendes et les apôtres ne ressemblaient guère à un aréopage d'actionnaires. Le message pourtant clair du départ : "Nul ne peut adorer Dieu et Mammon " s'est brouillé avec le temps. Exit du royaume des cieux:  paix,  justice,  partage, individu, horizontalité,  dépouillement,  liberté. Welcome au royaume des hommes: guerre,  clergé, état, esclavage, propriété, masse, accumulation, vente d'armes, verticalité,  marchandise... Quelques penseurs percevant ce tiraillement entre évangiles et Cac 40 ont recherché à mettre en pratique dans  leur vie le message originel du christianisme: Tolstoï, Monod, Ellul, Illich... Ces 4 anarchistes chrétiens sont-ils à l'image de Dieu ? Je l'ignore. En tout cas leur image d'homme ne me déplait pas.


samedi 16 décembre 2017

CARGO



"Mais cette machine  dans ma tête, musique sourde et tempête." Chantait Axel Bauer dans les années 80, look Querelle de Brest. C'était avant le réchauffement climatique, au tout début du sida. On Dakarisait, on se trémoussait au Palace...Tonton était vivant. Tout allait bien. Aujourd'hui l'horizon est sombre, le monde explose, l'air est pollué. Il l'est d'autant plus que le transport maritime n'est pas soumis aux mêmes règles écologiques que ses concurrents. Les cargos, tankers, porte containers, croisiéristes brulent un fioul lourd mille fois plus polluant que celui de votre Twingo. Oxyde de soufre, particules fines rejetées à la tonne dans l'atmosphère. Un seul de ces mastodontes pollue comme 50 millions de véhicules. Or il y en a 60000 dans le monde... comme les 60000 personnes asphyxiées chaque année... Respire mon frère: "J'avance sur ce quai humide, la sueur brule comme l'acide... L'enfer va commencer. Cargo de nuit...la nuit te nuit. Change de port" . C'est dingue comme une chanson peut être prémonitoire.

jeudi 14 décembre 2017

PANEM ET CIRCENSES



Cela ne mollissait pas dans la Rome antique ! A la scène comme à la ville, meurtres, purges, trahisons, empoisonnements, proscription, peste... vous guettaient à chaque instant. Commode, fils de Marc-Aurèle accède au pouvoir après la mort de son père en Germanie. (On se remémore Gladiator plein de contre-vérités...) Trop jeune il n'a pas le charisme du vieux césar-stoïcien. En désaccord avec le Sénat, il mène une politique de paix extérieure, une vie de débauche personnelle puis se désintéresse de la vie publique qu'il fait incarner par d'anciens esclaves affranchis. Ceux-ci en profitent, spéculent sur les denrées et provoquent l'ire du peuple. L'Empereur, esseulé organise alors à Rome les plus grands jeux de l'Antiquité pour reconquérir l'estime de la plèbe. Quatorze jours de combats , de fauves, de sang, de mises à mort, aux frais des sénateurs qui voulaient se la jouer petits bras. Lui même combat dans l'arène; du jamais vu auparavant... et triomphe de ses adversaires tel Hercule. Pas de chance, les combats sont truqués. Cela s'apprend.  Ayant trahi le serment des gladiateurs: "Je subirai les brûlures, le poids des chaînes, les coups de fouet, et je mourrai avec honneur",  il meurt sans honneur assassiné par Narcisse son esclave instructeur, après 12 ans d'un règne cruel et sanguinaire.

lundi 11 décembre 2017

2/ IL N'Y A PLUS D'ESPOIR



R.I.P Johnny. Dernier vol pour Saint-Barth. J'ai rendu hommage au talent dans un post précédent. Ne pas le faire aurait été absurde, empêchant de saisir l'immense ferveur populaire. Ce qui m'intrigue c'est qu'au chanteur soit impérativement accolée l'étiquette de rockeur. Issu du blues, du folk, de la protest-song, le rock dans son essence est un cri de rébellion - de la jeunesse en particulier - contre l'ordre établi, le conformisme et la société de consommation (Dylan, John Bæz, Lennon, Joplin, Morrison, le punk qui le débarrassa de sa poussière bourgeoise, Iggy Pop, Noir Désir, Téléphone, U2, un certain rap aujourd'hui ont emprunté la voie). En quoi Johnny a t-il été un rebelle ? Qu'a t-il dénoncé dans ses chansons ou sa carrière menée à la Elvis: service militaire en Allemagne, Mai 68 aux abonnés absents, quelques films, de grandes messes médiatiques jusqu'au cercueil blanc à La Madeleine...? Le rock ne serait-il en définitive que cet assemblage kitsch de tatouages, petites pépées, biscotos, défonce, motos customisées, mojitos dans les îles, fric à gogo, vie brulée par les deux bouts...? L'enfer, le soufre mais sans le feu Prométhéen . L'establishment ne s'y est pas trompé. Trois présidents (ou ex) et leurs compagnes devant sa dépouille - Le Gotha parisien au grand complet en Perfecto, banane et carré Hermès - Le petit peuple derrière - L'oligarchie, le show-bizz s'inclinent devant le "héros"- Le système récupère l'émotion, s'auto-célèbre. L'argent triomphe. Johnny aura réussi l'exploit - à défaut d'être subversif, exercice difficile quand on est milliardaire - de plaire aux puissants et aux humbles. Aux puissants parce qu'il ne les remettait pas en cause, aux humbles et à tous les autres parce que son cri les emportait ailleurs ou simplement rythmait leur vie. Constat: en bons bikers, les Français dépolitisés ne brisent plus leurs chaînes mais y accrochent leur portefeuille. Vroom-Vroomm-Vrommm. Il faut conclure: un détour par Monaco où Léo.F repose à coté de J.Baker...Tu es rock coco !

Proverbe Tzigane/ "Ne te moque jamais des riches. Ça pourrait t'arriver" .

vendredi 8 décembre 2017

1/ NOIR C'EST NOIR



Quel déchainement de passions autour de la disparition de notre rockeur national. D'abord, ne pas lui reconnaitre une présence animale sur scène interdirait tout dialogue... Ensuite, sa trajectoire comporte de nombreuses similitudes avec celle d'un autre monstre sacré: Edith Piaf née  Gassion. Petite condition, père absent, enfant de la balle, nom d'emprunt, radio crochet. Les deux sont avant tout des voix,  des "organes" irréels qui ne composent pas (Piaf a écrit mais ses grands succès l'ont été par d'autres )  sachant s'entourer de grands musiciens et paroliers. Ni l'un, ni l'autre ne sont des militants. Piaf sera embêtée à la Libération pour le "flou artistique" de ses voyages en Allemagne pendant la guerre, Johnny pour ses démêlées avec le fisc. Elle n'est ni Joséphine Baker ni Gabin - Il n'est ni Coluche ni Ferrat. Ils aiment l'ordre établi, l'argent, privilégient leur carrière, consomment drogue et alcool et ont une vie privée tumultueuse. Les deux meurent décatis, accompagnés d' un compagnon beaucoup plus jeune. Leur mort éclipse celle d'un écrivain mort un jour plus tôt: Cocteau et d'Ormesson, deux auteurs talentueux mais pas majeurs. Ces "soleils noirs" incarnent et  accompagnent au cours de leur carrière contrastée, le peuple (qui ne connait pas une vingtaine de leurs chansons?) son âme, son énergie, sa capacité à s'adapter et son instinct de vie. Celui ci, touché par leur chant primordial pardonne les écarts - puisque finalement ces deux-là leurs ressemblent - et les pleurent dans la mort. Paradoxalement la môme en noir réussira mieux en Amérique que le grand blond tatoué fou de Harleys. Les yankees n'aiment pas qu'on les copient. Alors deuil ou funérailles nationales comme Victor Hugo? C'est cocasse, mais laissons mourir les artistes qui ne reviendront plus. Le temps de s'indigner de choses graves reviendra...

vendredi 1 décembre 2017

LA GRANDE BEUNE



La  Beune est la rivière qui serpente en bas d'un village de Dordogne. Un jeune instituteur de 20 ans y pose son cartable et découvre les femmes. Mado la petite amie, Hélène l' aubergiste et mère de substitution,  mais surtout Yvonne la plantureuse buraliste perchée sur ses hauts talons, qui à défaut de rassasier ses sens enflamme son imagination... Pierre Michon est entré en littérature pour ne pas devenir clochard. Il a bien fait. Les Onze - Rimbaud le fils - Vies minuscules... et une quinzaine de petits récits prouvent que l'on peut être un grand écrivain en peu de pages. Tout est ciselé, coupant comme du diamant. Ici, les cavernes, le sexe des femmes, les hommes préhistoriques devenus chasseurs, les inquiétants pêcheurs, les carpes aux écailles de nuit, un renard tué, une femme battue s'enchevêtrent dans un drame villageois poétique et onirique, noir comme les lèvres de la rivière et lumineux comme les rêves d'homme d'un jeune loup. 

TINTIN AU BURKINA