mardi 3 mai 2016

LE VINGT HEURES



En France on aime les rituels. Celui du journal de vingt heures en particulier. Le nombre magique flotte en musique dans le beau ciel de France ; Marianne s'assied devant l'écran  et avale l'actualité à l'heure de la soupe; les travaux commencent... Comme tous les rituels celui ci ponctue à la fois  le temps, s'en évade et laisse croire au fidèle qu'il pénètre le temple. - Le prêtre, choisi pour sa belle gueule, sa tempérance, ses relations, récite sa messe (voire sa grand messe en cas de coup dur, d'attentat, de séisme, de J.O, d'allocution présidentielle....) L'autre soir le voyage était alchimique, et les éléments à l'honneur : au feu des casseurs en marge d'une manifestation succédaient l'augmentation pharaonique d'un grand patron  ne manquant pas d'air, la terre d'un hôpital bombardé à Alep et l'eau de yachts  luxueux fabriqués en Italie. Finissant en général par l'or (ou du moins ce qui brille) l'alchimiste en quête de jouvence nous épargna -ce soir là- la promotion d'une vedette venue vendre son film - Ite Misacathodica Est - Derrière les rideaux tirés de ce petit théâtre on pouvait maintenant entendre  les libations de Guignol et Gendarme se rinçant le gosier...  Cet office d'une demie heure - à condition que la ligne rose de notre nombril ne soit pas notre ultime horizon et la mauvaise humeur notre carburant nous renseigne sur nous même, nos masques et notre reflet. Si la violence des casseurs est condamnée, celle du prix d'un yacht est inconsciemment légitimée ; 50 millions pour 50 mètres soit un million d'euros le mètre linéaire, somme  consentie par un commanditaire "honnête mais discret". Aux atermoiements du client SNCF floué de 5 euros sur son billet annulé, répond le cri sans voix d'un père en turban "soviétisé" de sa femme et ses enfants . Ici, les images créent entre elles des étincelles. Citoyens passés consommateurs, ou supporters ou laissés pour compte accommodés à l' horreur, formatés ou indignés en pantoufle, fascinés du who's who,  nous avons laissé notre petit moi freudien terrasser notre surhomme nietzschéen. Et maintenant la météo... pas folichon, folichon ce week-end !