mardi 2 février 2016

HUGO/ OH! PAR NOS VILS PLAISIRS, NOS APPETITS, NOS FANGES



Oh ! par nos vils plaisirs, nos appétits, nos fanges,
Que de fois nous devons vous attrister, archanges !
C’est vraiment une chose amère de songer
Qu’en ce monde où l’esprit n’est qu’un morne étranger,
Où la volupté rit, jeune, et si décrépite !
Où dans les lits profonds l’aile d’en bas palpite,
Quand, pâmé, dans un nimbe ou bien dans un éclair,
On tend sa bouche ardente aux coupes de la chair,
À l’heure où l’on s’enivre aux lèvres d’une femme
De ce qu’on croit l’amour, de ce qu’on prend pour l’âme,
Sang du cœur, vin des sens âcre et délicieux,
On fait rougir là-haut quelque passant des cieux !

Victor Hugo Les Contemplations  juin 1855