mardi 19 novembre 2013

WILFRED OWEN 2

Les Français ont leurs écrivains martyrs de la grande guerre - Péguy, Radiguet, Pergaud - les témoins rescapés de ces ténèbres -  Barbusse, Genevoix, Dorgelès - et bien d'autres, les Allemands ont - Ernst Jünger, Maria Remarque - Les Anglais ont leur poète -Wifred Owen- Mort le 4 novembre 1918 , post romantique, celui ci se révèle en enfer et meurt à 25 ans une semaine avant l'armistice sur le canal de la Sambre. Je ne connaissais pas. C'est très beau. Je vous livre cette Etrange rencontre et sa fin prémonitoire : «Dormons maintenant». La maison forestière où il a passé sa dernière nuit à Ors dans le Nord a été transformée en musée. Blanc fantomatique, le toit traité comme un livre ouvert, un peu trop formaliste peut-être mais fort, il nous parle de l'homme, de ses camarades, de leur fin et nous rappelle que l'art éclot partout, même dans la boue.



 ...Car par ma joie beaucoup d’hommes auraient ri.
Et de mes sanglots quelque chose est resté,
Qui doit mourir à présent. J’entends la vérité celée,
L’horreur de la guerre, l’horreur qu’elle distille.
Maintenant les hommes se satisferont de notre gâchis
Ou, mécontents, laisseront parler le sang et seront répandus.
Ils seront vifs comme la tigresse.
Aucun ne rompra les rangs, les nations fuiraient-elles le progrès.
J’avais le courage et j’avais le mystère,
J’avais la sagesse et j’avais la maîtrise :
J’aurai manqué le départ en ce monde en retraite
Pour de vaines citadelles auxquelles manquent les murs.
Alors, beaucoup de sang ayant bloqué les roues de leurs chariots,
Je me serais levé, je les aurais lavées à l’eau douce des puits,
A coups de vérités trop profondes pour qu’on les souille.
J’aurais versé mon âme sans hésiter,
Mais pas par mes blessures, pas sur le fumier de la guerre.
Les fronts des hommes ont saigné sans plaies.
Je suis l’ennemi que tu as tué, mon ami.
Je t’ai reconnu dans cette obscurité : car ton regard fut pareil
Hier quand tu me perças, me tuas.
Je parai, mais mes mains étaient lasses et froides.
Dormons, maintenant…"