vendredi 15 novembre 2013

GUERRE 14


























J'ai grandi avec la guerre 14.   -Non ! - Je n'ai pas été dans les tranchées, mais même après une seconde guerre mondiale, dans les années soixante il y avait encore des traces de la première, des gueules de l'époque, des jambes en moins. Dans l'église sur le côté de la nef, dans le village de mes grands parents dans l'Est de la France, il y avait la liste des morts. Elle était longue, sur deux colonnes. C'était des noms connus, des noms des gens du village avec des prénoms démodés Gaston-Roger-Eugène-Emile-Gontrand... et il y avait une liste aussi longue dans le village d'à côté et une autre dans le village un peu plus loin. Dans le bureau de mon grand-père il y avait la photo de son cousin en canotier, avec une médaille militaire, et son propre casque bleu. Il avait été incorporé en 1918 à 18 ans, et avait failli mourir de la grippe espagnole. Moi, ado je voulais être Guynemer... Inutile de préciser que j'étais un peu décalé à la fin des années Salut les copains. « La Madelon et San Francisco dans la tête ».... Je ne sais pas ce qui me fascinait à l'époque: le courage de ces gars, leur abnégation, leur résignation ou l'absurdité de ce carnage. J'ai compris depuis que ceux qui décident de faire la guerre, et ceux qui la font sont rarement les mêmes, que les marchands de canons pleurent rarement leur fils, que l'on fusille sans ambages ceux qui ont peur, mais aussi que les combattants parlent de fraternité d'armes, un sentiment né de la peur, du sang versé, des épreuves, et de l'entraide. Le pire engendre le meilleur. Etrange.