jeudi 2 mai 2013

MEA CULPA 1

Une fois n'est pas coutume. Je vous livre aujourd'hui un texte peu connu de ce «bon» docteur Destouches, plus connu sous le nom de Céline. Le problème avec Céline c'est qu'il déteste les juifs et les francs-maçons, et un peu tout le monde en définitive. Mais ce détail mis à part... qu'est ce que c'est fort. «Mea culpa» est un pamphlet publié en 1936, ou le capitalisme, les bourgeois, le communisme, et l'humanité en général en prennent plein leur grade. On est pas dans le chef-d'oeuvre. On ne peut pas écrire tous les matins -Le voyage-ou -Mort à crédit- ni dans l'abjection totale. -Bagatelles pour un massacre- et autres pamphlets antisémites sont à venir. Mais il y a de la fulgurance dans ce texte court. 



On y retrouve le style inimitable, direct, ordurier,  coloré et inventif de Louis Ferdinand, avec en filigrane le désir d'être honni. Il nous dégueule sa vision apocalyptique: les humains ne s'en sortiront jamais, bouffés par leur égoïsme. La guerre et la barbarie ont eu leur heure de gloire. Les idéologies, se sont exprimées puis effondrées. A quand la fin du capitalisme? Et dans quelles circonstances? Côté style et bons sentiments on est loin de Paolo Coelho, Marc Levy et de Dion  - Céline Dion -                      ...Chaque époque a les auteurs qu'elle mérite.





 " Il me manque encore quelques haines.

Je suis certain qu'elles existent. "

Ce qui séduit dans le Communisme, l'immense avantage à vrai dire, c'est qu'il va nous démasquer l'Homme, enfin ! Le débarrasser des " excuses ". Voici des siècles qu'il nous berne, lui, ses instincts, ses souffrances, ses mirifiques intentions... Qu'il nous rend rêveur à plaisir... Impossible de savoir, ce cave, à quel point il peut nous mentir !... C'est le grand mystère. Il reste toujours bien en quart, soigneusement planqué, derrière son grand alibi. " L'Exploitation par le plus fort. " C'est irréfutable comme condé... Martyr de l'abhorré système ! C'est un Jésus véritable !...

" Je suis ! comme tu es ! il est ! nous sommes exploités ! "

Ça va finir l'imposture ! En l'air l'abomination ! Brise tes chaînes, Popu ! Redresse-toi, Dandin !... Ça peut pas durer toujours ! Qu'on te voye enfin ! Ta bonne mine ! Qu'on t'admire ! Qu'on t'examine ! de fond en comble !... Qu'on te découvre ta poésie, qu'on puisse enfin à loisir t'aimer pour toi-même ! Tant mieux, nom de Dieu ! Tant mieux ! Le plus tôt sera le mieux ! Crèvent les patrons ! En vitesse ! Ces putrides rebuts ! Ensemble ou séparément ! Mais pronto ! subito ! recta ! Pas une minute de merci ! De mort bien douce ou bien atroce ! Je m'en tamponne ! J'en frétille ! Pas un escudos de vaillant pour rambiner la race entière ! Au charnier, chacals ! A l'égout ! Pourquoi lambiner ? Ont-ils jamais, eux, velus, refusé un seul frêle otage au roi Bénéfice ? Balpeau ! Balpeau ! Haricots ! En voyez-vous des traînards ?... A la reniflette qu'on les bute ! Il faut ce qu'il faut ! C'est la lutte !... Par quatre chemins ? Quel honneur ?... Ils sont même pas amusants ! Ils sont toujours plus gaffeurs, plus cons que nature ! Faut les retourner pour qu'ils fassent rire !...

Les privilégiés, pour ma part, je n'irai pas, je le jure, m'embuer d'un seul petit oeil sur leur vache charogne !...Ah ! Pas d'erreur ! Délais ? Basta ! Pas un remords ! Pas une larme ! Pas un soupir ! Une cédille ! C'est donné ! C'est l'Angélus ! Leur agonie ? C'est du miel ! Une friandise ! J'en veux ! Je m'en proclame tout régalé !...

Je te crèverai, charogne ! un vilain soir !

Je te ferai dans les mires deux grands trous noirs !

Ton âme de vache dans la danse ! Prendra du champ !

Tu verras cette belle assistance !...

Au Four-Cimetière des Bons-Enfants !

Ces couplets verveux me dansent au cassis ! Je les offre à tous par-dessus le marché, avec la musique ! " L'Hymne à l'Abattoir ", l'air en plus ! C'est complet !...

Tout va bien ! Ça ira !

Le un s'en va ! Le joli un !

Le deux qui vient !...

Ainsi de suite chantaient en cadence nos gais pontonniers d'autrefois ! Piétinons ! Piétinons ! Trépignons dur ! Cette pertinente infection ! Il faut repasser toute la race ! Jamais depuis le temps biblique ne s'était abattu sur nous fléau plus sournois, plus obscène, plus dégradant à tout prendre, que la gluante emprise bourgeoise. Classe plus sournoisement tyrannique, cupide, rapace, tartufière à bloc ! Moralisante et sauteuse ! Impassible et pleurnicharde ! De glace au malheur. Plus inassouvible ? plus morpione en privilèges ? Ça ne se peut pas ! Plus mesquine ? plus anémiante ? plus férue de richesses plus vides ? Enfin pourriture parfaite.

Vive Pierre 1er ! Vive Louis XIV ! Vive Fouquet ! Vive Gengis Khan ! Vive Bonnot ! la bande ! et tous autres ! Mais pour Landru pas d'excuses ! Tous les bourgeois ont du Landru ! C'est ça qu'est triste ! irrémédiable ! 93, pour ma pomme, c'est les larbins... larbins textuels, larbins de gueule ! larbins de plume qui maîtrisent un soir le château, tous fous d'envie, délirants, jaloux, pillent, crèvent, s'installent et comptent le sucre et les couverts, les draps... Comptent tout !... Ils continuent... Jamais ils ont pu s'interrompre. La guillotine c'est un guichet... Ils compteront le sucre jusqu'à leur mort ! Les morceaux, fascinés. On peut tous les buter sur place... Ils sont toujours dans la cuisine. Rien à perdre ! On peut estimer pour du vent leur brelan d'intellectuels, impressionnistes confusionnistes à tendances, tantôt bafouilleux vers la gauche, tantôt sur la droite, au fond de leur putaine âme tous farouchement conservateurs, doseurs de fines arguties ; tout farcis d'arrière-pensées. Ça suffit la vue du réglisse ! Ils iront où l'on voudra, à l'odeur de la vache prébende, à la perspective du tréteau... C'est pas eux qui peuvent la racheter l'imbécillité titanesque, la crasse chromée du cheptel !... Putains de race ils découlent... A l'égout donc aussi l'engeance !...Qu'on nous en parle plus du tout !... Les autres en face, c'est du même, pénétrés , " redresseurs de torts " à 75.000 francs par an.

Se faire voir aux côtés du peuple, par les temps qui courent, c'est prendre une " assurance-nougat ". Pourvu qu'on se sente un peu juif ça devient une " assurance-vie ".Tout cela fort compréhensible.

Quelle différence, je n'en vois pas, entre les Maisons de la Culture et l'Académie française ? Même narcissisme, même bornerie, même impuissance, babillage, même vide. D'autres poncifs, à peine, c'est tout. On se conforme, on se fait reluire, on se rabâche, ici et là, exactement.

Le grand nettoyage ? Question de mois ! Question de jours ! Ah ! Oui ! La chose sera bientôt faite !... Qu'on se réjouisse !...Qu'on bengalise !...

C'est facile en somme la bascule ! Le butage de la classe entière ! On n'enfonce que des portes ouvertes, et puis comment vermoulues ! Fusiller les privilégiés, c'est plus facile que des pipes !.... Tout ça c'est la gloire naturelle ! La bonne revanche du " tout petit " ! Le dédommagement mille fois juste ! Tous les damnés qui récupèrent ! O.K. !

Merde ! On peut bien le dire ! C'est pas trop tôt !... Tout ça régulier jusqu'au sang !...

Les riches on les boulottera !

Tra- tra- tra

Avec des truffes dans le croupion !

Vive le son du canon!

Boum !

Enfin voici le principal ! Voici une bonne chose de faite !... Voilà Prolo libre ! à lui, plus d'erreur possible, tous les instruments dont on cause, depuis le fifre jusqu'au tambour !... La belle usine ! Les mines ! Avec la sauce ! Le gâteau ! La banque ! Vas-y ! Et les vignes ! et le bagne aussi ! Un coup de ginglard ! Tout descend ! Nous tout seuls ! Cœur au ventre ! Prolo désormais chargé de tous les bonheurs du troupeau... Mineur ! la mine est à toi ! Descends ! Tu ne feras plus jamais grève ! Tu ne te plaindras plus jamais! Si tu gagnes que 15 francs par jour ce seront tes 15 francs à toi !

Tout de suite faut l'avouer ça s'engueule. Il pue aussi un peu le larbin. Il a, l'homme de base, le goût des ragots...C'est véniel, ça peut s'arranger ! Mais y a tous les vilains instincts de cinquante siècles de servitude... Ils remontent dare-dare, ces tantes, en liberté, encore beaucoup mieux qu'avant ! Méfiance ! Méfiance !... la grande victime de l'Histoire ça ne veut pas dire qu'on est un ange !... Il s'en faudrait même du tout au tout !... Et pourtant c'est ça le préjugé, le grand, le bien établi, dur comme fer !...

" L'Homme est tout juste ce qu'il mange ! " Engels avait découvert ça en plus, lui malin ! C'est le mensonge colossal ! L'Homme est encore bien autre chose, de bien plus trouble et dégueulasse que la question du " bouffer ". Faut pas seulement lui voir les tripes mais son petit cerveau joli !... C'est pas fini les découvertes !... Pour qu'il change il faudrait le dresser ! Est-il dressable ?... C'est pas un système qui le dressera ! Il s'arrangera presque toujours pour éluder tous les contrôles !... Se débiner en faux-fuyants ? Comme il est expert ! Malin qui le baisera sur le fait ! Et puis on s'en fout en somme ! La vie est déjà bien trop courte ! Parler morale n'engage à rien ! Ça pose un homme, ça le dissimule. Tous les fumiers sont prédicants ! Plus ils sont vicelards plus ils causent ! Et flatteurs ! Chacun pour soi !... Le programme du Communisme ? malgré les dénégations : entièrement matérialiste ! Revendications d'une brute à l'usage des brutes !... Bouffer ! Regardez la gueule du gros Marx, bouffi ! Et encore si ils bouffaient, mais c'est tout le contraire qui se passe ! Le peuple est Roi !... Le Roi la saute ! Il a tout ! Il manque de chemise !... Je parle de Russie. à Leningrad, autour des hôtels, en touriste, c'est à qui vous rachètera des pieds à la tête, de votre limace au doulos. L'individualisme foncier mène toute la farce, malgré tout, mine tout, corrompt tout. Un égoïsme rageur, fielleux, marmotteux, imbattable, imbibe, pénètre, corrompt déjà cette atroce misère, suinte à travers, la rend bien plus puante encore. Les individualismes en " botte ", mais pas fondus.

Si l'existence communiste c'est l'existence en musique ; plus râlante, borgne et clocharde, plus vacharde comme par ici, alors il faut que tout le monde danse, faut plus un boiteux à la traîne.

Qui ne danse pas

Fait l' aveu tout bas

De quelque disgrâce...

C'est la fin des hontes, du silence, des haines et des rognes cafouines, une danse pour la société tout entière, absolument tout entière. Plus un seul infirme social, plus un qui gagne moins que les autres, qui ne peut pas danser.

Pour l'esprit, pour la joie, en Russie, y a la mécanique.. La vraie terre promise ! Salut ! La providentielle trouvaille ! Il faut être " Intellectuel " éperdu dans les Beaux-Arts, ensaché depuis des siècles, embusqué, ouaté, dans les plus beaux papiers du monde, petit raisin fragile et mûr, au levant des treilles fonctionnaires, douillet fruit des contributions, délirant d'Irréalité, pour engendrer, aucune erreur, ce phénoménal baratin ! La machine salit à vrai dire, condamne, tue tout ce qui l'approche. Mais c'est dans le " bon ton " la Machine ! Ça fait " prolo ", ça fait " progrès ", ça fait " boulot ", ça fait " base "... Ça en jette aux carreaux des masses... Ça fait connaisseur instruit, sympathisant sûr... On en rajoute... On en recommande... On s'en fait péter les soupapes... " Je suis ! nous sommes dans la ''ligne'' ! Vive la grande Relève ! Pas un boulon qui nous manque ! L'ordre arrive du fond des bureaux ! " Toute la sauce sur les machines ! Tous les bobards disponibles ! Pendant ce temps-là, ils ne penseront pas !...

Comme Résurrection c'est fadé !... La machine c'est l'infection même. La défaite suprême ! Quel flanc ! Quel bidon ! La machine la mieux stylée n'a jamais délivré personne. Elle abrutit l'Homme plus cruellement et c'est tout ! J'ai été médecin chez Ford, je sais ce que je raconte. Tous les Fords se ressemblent, soviétiques ou non !... Se reposer sur la machine, c'est seulement une excuse de plus pour continuer les vacheries. C'est éluder la vraie question, la seule, l'intime, la suprême, celle qu'est tout au fond de tout bonhomme, dans sa viande même, dans son cassis et pas ailleurs !... Le véritable inconnu de toutes les sociétés possibles ou impossibles... Personne de ça n'en parle jamais, c'est pas " politique " !.... C'est le Tabou colossal !... La question " ultime " défendue ! Pourtant qu'il soit debout, à quatre pattes, couché, à l'envers, l'Homme n'a jamais eu, en l'air et sur terre, qu'un seul tyran : lui-même !... Il en aura jamais d'autres... C'est peut-être dommage d'ailleurs... Ça l'aurait peut-être dressé, rendu finalement social.

Voici des siècles qu'on le fait reluire, qu'on élude son vrai problème pour tout de suite le faire voter... Depuis la fin des religions, c'est lui qu'on encense et qu'on saoule à toute volée de calembredaines. C'est lui toute l’église ! Il en voit plus clair forcément ! Il est sinoque ! Il croit tout ce qu'on lui raconte du moment que c'est flatteur ! Alors deux races si distinctes ! Les patrons ? Les ouvriers ? C'est artificiel 100 pour 100 ! C'est question de chance et d'héritages ! Abolissez ! vous verrez bien que c'étaient les mêmes... Je dis les mêmes et voilà... On se rendra compte...

La politique a pourri l'Homme encore plus profondément depuis ces trois derniers siècles que pendant toute la Préhistoire. Nous étions au Moyen Age plus près d'être unis qu'aujourd'hui... un esprit commun prenait forme. Le bobard était bien meilleur " monté poésie ", plus intime. Il existe plus.

Le Communisme matérialiste, c'est la Matière avant tout et quand il s' agit de matière c'est jamais le meilleur qui triomphe, c'est toujours le plus cynique, le plus rusé, le plus brutal. Regardez donc dans cette U.R.S.S. comme le pèze s'est vite requinqué ! Comme l'argent a retrouvé tout de suite toute sa tyrannie ! et au cube encore ! Pourvu qu'on le flatte Popu prend tout ! avale tout ! Il est devenu là-bas hideux de prétention, de suffisance, à mesure qu'on le faisait descendre plus profond dans la mouscaille, qu'on l'isolait davantage ! C'est ça l'effrayant phénomène. Et plus il se rend malheureux, plus il devient crâneur ! Depuis la fin des croyances, les chefs exaltent tous ses défauts, tous ses sadismes, et le tiennent plus que par ses vices : la vanité, 1'ambition, la guerre, la Mort en un mot. Le truc est joliment précieux ! Ils ont repris tout ça au décuple ! On le fait crever par la misère, par son amour-propre aussi ! Vanité d'abord ! La prétention tue comme le reste ! Mieux que le reste !